Monsieur le président, notre colère vous emportera.
En guerre ! En guerre ! En guerre !
Répété en boucle comme un mantra, voilà que nous sommes en guerre !
Un ennemi sournois nous aurait pris par surprise et nous nous devons de défendre le pays !
Pour vous, Monsieur le Président, nous sommes en guerre.
Il est donc normal que tous nous fassions unité derrière vous.
Ce qui revient à ne plus réfléchir, ne plus mettre en cause, ne plus contester. Cela relèverait de la haute trahison.
Nous sommes en guerre donc il est normal que nos soldats de première ligne tombent.
Ces anonymes, hier méprisés et frappés, mais aujourd’hui érigés au rang de héros sacrificiels de la nation.
Nous sommes en guerre donc il est normal que chaque français donne de son temps et de son argent pour soutenir « l’effort de guerre » sans chercher à comprendre comment nous avons pu en arriver là ni pourquoi l’état ne remplit pas son rôle.
En guerre ! En guerre ! En guerre !
Mensonges que tout cela. Nous n’acceptons pas cette propagande.
Nous ne sommes pas en guerre contre un ennemi.
Personne ne nous a envahi ou attaqué.
Nous menons un combat contre une maladie, comme nous le faisons en permanence.
Et dans des conditions de dénuement malheureusement habituelles, qui font honte à la France et qui, désormais, ont des conséquences funestes au-delà du supportable.
C’est contre la maladie que nous menons un combat.
Mais en faisant cela, dans ces conditions, nous nous apercevons qu’il va falloir que nous entrions réellement
en guerre…..contre votre politique.
Car désormais, la réalité de vos choix (et de ceux de vos prédécesseurs) se révèle dans son cynisme et sa laideur les plus crus.
Ces choix qui nous coûtent aujourd’hui tant de vies humaines.
Cette politique de l’inconscience qui a détruit notre capacité de réponse en nous privant de nos stocks stratégiques pour économiser quelques millions d’euros au nom d’une austérité érigée en dogme.
Cette politique de l’appât du gain qui a anéanti le financement des hôpitaux à coup d’exonération de cotisations sociales, pour le bénéfice d’une minorité déjà bien dotée.
Cette politique de la brutalité qui a réprimé violemment ceux qui ont manifesté pour dire leurs souffrances et les inquiétudes face à l’état de notre système de santé.
Cette politique de l’abandon qui a laissé nos anciens, malgré toutes les alertes de ces dernières années, dans des EHPAD sous-dotés en personnel, en matériel et qui maintenant paient en vie humaines, et au prix fort, cette crise.
Mais pire que tout, cette politique du mensonge qui est devenue la règle.
Vous avez voulu nous faire croire que cette pandémie était imprévisible alors que les épidémies passées et une multitude de rapport sont la preuve que cela n’était qu’une question de temps avant que nous soyons frappés.
Vous avez abusé de la confiance des soignants et des français en assurant que les masques étaient inutiles alors qu’ils sont un des piliers de la réponse de tant de pays asiatiques à la crise.
Vous nous avez menti à propos du dépistage de masse, le déclarant inutile alors qu’il est impossible de définir une stratégie si nous ne pouvons évaluer précisément la situation.
Vous nous avez trompé en voulant nous faire croire que les soignants libéraux étaient équipés alors qu’ils n’avaient rien.
Qu’il n’y a aucune pénurie alors que tous, du plus petit cabinet médical au plus grand CHU, nous hurlons notre désarroi devant nos réserves vides et nos tenues de protection faites de sacs poubelles.
Toutes ces manipulations pour masquer l’impréparation, l’incompétence et le mépris pour ceux qui ne sont rien.
Peu importe le sort de la population tant que les puissants sont à l’abri !
Mais ceux qui ne sont rien prennent enfin conscience qu’ils sont tout.
Les premiers de cordées ne sont plus là.
Et restent ceux qui font face : soignants, agriculteurs, artisans, manutentionnaires, routiers, livreurs, caissières, conducteurs de trains, employés du gaz ou de l’électricité, employés du bâtiment…et tant d’autres.
Sous-payés, mésestimés ou vilipendés mais toujours là quand la « start up nation » prend l’eau de toute part et que ses adeptes ont déserté la place.
Tous ces anonymes qui fournissent matériels, nourritures, encouragements et qui remplacent un état absent du terrain de cette crise sanitaire mais toujours disposé, à coup de 49.3 ou de consignes données aux ARS, à aller plus loin dans la même politique mortifère qui nous amène aujourd’hui à compter nos morts par milliers.
Et tout cela nourrit notre colère.
Une colère qui n’a d’égal que notre détermination actuelle à soigner, à préserver la vie, à tenir notre pays à bout de bras.
Mais il y aura un après.
Nous ne reviendrons pas sagement à la situation « d’avant ».
Il y aura des explications à donner et des comptes à rendre.
Quand cela sera fini, nous laisserons éclater notre colère.
Et, Monsieur le Président, elle vous emportera.
Fait à Roubaix, le 16 avril 2020.