Voix du Nord 22/10
Dans un mail adressé la semaine dernière à tous les employés de l’établissement, la direction du Centre hospitalier de Roubaix a demandé aux personnels de ne pas arborer de message « Je suis Charlie ». Une consigne diversement appréciée au sein du personnel, et qui n’est pas anodine dans une ville à forte population musulmane.
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Dans un courriel daté du 15 janvier, Marie-Christine Paul, la directrice de l’établissement, adresse un rappel à l’ordre très laconique. « Quelques salariés de l’établissement ont apposé sur leur blouse la phrase « Je suis Charlie ». Je rappelle que la tenue professionnelle ne doit pas exprimer d’opinion personnelle, quelle qu’elle soit. Je vous remercie de bien vouloir respecter ce principe. »
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Délégué CGT à l’hôpital de Roubaix, Jacques Adamski regrette la décision de la direction mais n’y trouve pas matière à scandale.
Comment avez-vous réagi au mail de la direction ? Moralement, nous condamnons cette initiative. On est pour le soutien à Charlie. Beaucoup d’agents, toutes catégories confondues, avaient arboré ce badge, de manière spontanée. Au sein du personnel, certains ont été choqués par ce mail et l’ont dit. Ils n’ont pas compris qu’on puisse les empêcher de manifester leur soutien. Après, sur la forme, on ne peut pas le contester, la direction a raison, puisque la loi interdit aux agents de la fonction publique, dans l’exercice de leurs fonctions, d’afficher une expression personnelle. Si on est compréhensif vis-à-vis de cette décision, c’est aussi parce qu’elle n’est intervenue que le 15janvier, soit une semaine après les événements tragiques survenus à Paris. Le courriel serait beaucoup moins bien passé s’il avait été envoyé le 8janvier…
À votre avis, quel est le sens de cette interdiction ? Je pense que le but est d’éviter des tensions supplémentaires à l’hôpital de Roubaix. Cela pouvait heurter des patients, qui n’ont pas forcément toujours le niveau culturel pour comprendre la signification précise du message. Cela pouvait aussi créer des problèmes au sein même du personnel. Peut-être pouvions-nous craindre une contre-réaction, sur le mode « si tu affiches Je suis Charlie, pourquoi je ne pourrais pas afficher ma religion » ?
Vous parlez de tensions supplémentaires, cela signifie-t-il qu’il y a des tensions régulières sur le terrain de la laïcité ? Ce n’est un mystère pour personne qu’il y a de l’agressivité aux urgences ou à la maternité, quand certains exigent que leur femme soit examinée par une femme. L’imam qui intervient comme aumônier à l’hôpital leur répond parfois qu’au Maghreb, les médecins sont très rarement des femmes ! Cela dit, il faut relativiser. Cela reste marginal. L’alcool génère par exemple beaucoup plus de situations de tensions que la religion ! On aime parfois faire croire qu’il y a une situation explosive à Roubaix de ce point de vue. La réponse est non.
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